NEWZY, MAI-JUIN 2004

Ashtanga, Yoga hype et tonique.

VOUS RÊVEZ DE PRENDRE UN RACCOURCI POUR l’INDE ? 

Il vous suffit de pousser la porte vi­trée d’un rez-de-chaussée discret, rue de la Cerisaie, en plein cœur du Marais, pour vous trouver aux confins du Radjahstan. L’entrée de cette enclave, dédiée à l’ashtanga yoga, évoque celle d’une mosquée, avec le tas de chaussures amoncelées sur le pas-de-porte. Pointure de cette discipline orien­tale, Caroline rassure d’emblée ses élèves aux pieds nus : << Aujour­d’hui, on va y aller doucement. .. C’est la pleine lune!>> Je m’assure que des poils et des dents ne sont pas en train de pousser à l’improviste … Heureusement, aujourd’hui, mes camarades de jeu sont des débutants. Ou plutôt des débutantes (il n’y a que trois garçons sur une classe de quinze), dont la souplesse me fait honte : leurs genoux reposent paisi­blement sur le sol en position du lotus quand les miens frôlent mes oreilles … La leçon s’ouvre, tout comme les poumons, sur des exercices respiratoires : un souffle qui devra nous pousser pendant une heure trente. La technique, qui consiste à inspirer à l’envers, en creusant le ventre, bouleverse mes habitudes et fait travailler mes abdominaux. Puis tout le monde se met à entonner un << Ooooohh … >> libérateur venu du fond des âges et des entrailles. J’avoue, honteux, qu’une envie irrépressible de rigoler me vient. .. Et elle devient presque in­contrôlable à l’heure de prononcer les mantras, en sanskrit non sous-titré.

 

DU SENS, DE LA SUEUR ET DE L’AME

La suite du programme me fera vite ravaler mes railleries. Car ce yoga est vraiment tonique. Faire une sa­lutation au soleil est bien plus éprouvant que de dire bonjour à un copain. Enchaîner, en six temps et six mouvements, des flexions ­extensions, tout en contrôlant sa respiration et en concentrant son regard sur son nez, puis son nom­bril, fait couler la sueur sur mon front. Après une succession de <<triangles>>, à tenir en écart, les bras tendus comme des pales d’hélicoptères, et le buste étiré vers le plafond, je suis vraiment bon pour le programme essorage … Caroline patrouille dans les rangs, corrige les postures des néophytes, relève un dos, tend une cuisse, tout en nous invitant à nous libérer de notre ego et de nos pensées. Obéissant, j’essaie de ne plus songer à mes quadriceps tétanisés. Le rythme se ralentit enfin. On met les pieds au mur, on pousse un ultime << Oooooohh … >> de soulagement. J’ai bien assez transpiré pour avoir l’air brillant. .. Bon, je ne suivrai pas le conseil de Caroline, qui me recom­mande de me masser avec ma sueur. C’est peut-être bon pour ma peau, mais pas pour ma vie de couple … Mais je reviendrai samedi prochain. Et si l’on me demande: l’ashtanga, c’est vraiment du sport?, je répon­drai << Oooooohhh … gue oui. >>. FABRICE ALLAIS

UNE MÉDITATION EN MOUVEMENT

Avec vingt ans de pratique et dix ans d’enseignement, Caroline Boulinguez est une pionnière, la spécialiste de l’ashtanga en France. Elle nous explique pourquoi ce yoga physique qui a séduit toutes les stars américaines de Madonna à Gwyneth Paltrow possède les atouts pour conquérir l’Hexagone.

Newzy : Comment avez-vous découvert l’ashtanga ?

Caroline Boulinguez: C’était dans les années 80, à l’époque où le yoga passait pour ringard. De par mon éducation, j’avais un be­soin de spiritualité, très pré­sent dans l’ashtanga, mais j’a­vais aussi besoin de me dépenser. Alors, dès que j’ai goûté à ce yoga fitness, j’ai su que j’aurais envie de continuer toute ma vie. J’ai commencé à enseigner à Lille, tout en suivant des études de hindi et de sanskrit. Ensuite, j’ai ouvert une petite salle à Paris. Au début, c’était difficile, mais quand Sting a commencé à jouer les yogis, c’est de­venu assez tendance. Et, aujourd’hui, l’ash­tanga trouve enfin son public.

N : Comment se distingue-t-il des autres formes de yoga ?

C.B. : C’est une méditation en mouvement. Tout part de la respiration, un souffle lent et régulier (ujjayi), qui doit être synchro­nisé avec les postures (vinyasa). On rentre le ventre (les techniques de contraction musculaire baptisée bandhas) tout en focalisant son re­gard sur un point précis du corps 0es drishtis), pour travailler sa concentration, oublier son ego et arrêter de se comparer aux autres. On transpire beaucoup pour éli­miner toutes les toxines. Et, à la fin de la séance, ceux qui étaient arri­vés avec une sale mine, grisâtre, repartent, changés, avec un teint de porcelaine.

N : Comment comptez-vous faire de nouveaux adeptes?

C.B. : Je suis actuellement à la recherche d’un local pour ouvrir une deuxième salle à Paris. Et, surtout, je contacte des comités d’entre­prise pour leur proposer de donner des cours sur les lieux de travail, à l’heure du déjeuner. Une formule qui connaît déjà un grand suc­cès en Angleterre et aux Etats-Unis. >> ■